Rester vivant
Michel Houellebecq est au Palais de Tokyo.
Michel Houellebecq fait partie de ces artistes qui ne se contentent pas d’exceller dans un domaine. Seul l’art total l’intéresse. Après avoir été romancier, poète, auteur de chansons, essayiste, acteur, réalisateur de cinéma, le voici désormais photographe, plasticien, peintre, et finalement metteur en scène de ses obsessions.
Après avoir présenté ses bulletins de santé, ses radios du cerveau et autres examens biologiques à la Biennale de Zurich, c’est désormais au Palais de Tokyo que Houellebecq expose un pêle-mêle de créations, photographies, collages, montages, vidéos, installations, dans un parcours dont il a conçu le plan « comme il assemble entre eux les poèmes de ses recueils ou les séquences de ses films ».
On y retrouve naturellement les grandes thématiques de ses romans : les territoires périurbains et leur isolement, les grandes surfaces et les aires d’autoroutes, la nature tantôt hostile, tantôt bucolique, le corps des femmes, le tourisme de masse et ses dérives, une certaine fascination pour le côté noir et sinistre du monde, la passion très « shopenhaeuriène » pour les chiens, et surtout pour son chien Clément, le rêve ou la crainte eugéniste de la fabrication d’un homme nouveau …
Un point très positif : la mégalomanie de Houellebecq est telle qu’il n’a laissé à personne le soin de commenter son oeuvre, et surtout pas aux habituels commissaires d’exposition des musées d’art contemporain. Plutôt que de subir la prose absconse des analyses officielles, les visiteurs reçoivent une double page où l’on trouve des explications de Houellebecq lui-même pour chacune des salles de l’exposition. Et c’est plutôt clair, par exemple à propos de deux photos d’un centre commercial et d’un paysage : « Ce qui m’intéresse le plus ici est l’antagonisme entre le Leader Price et la nature, qui restera total. Alors que dans les pierres de Dordogne, il y aura fusion avec la nature ».
La question qui se pose à la sortie est celle de l’intérêt de cette exposition, de son rapport avec le reste de l’oeuvre de Houellebecq. Je ne sais pas ce que peut en penser un visiteur qui n’a pas lu ses romans. Sans doute est-ce une rencontre étrange, un peu dérangeante, dont on sort avec plus de questions que de réponses … et qui conduit soit à passer son chemin, soit à se plonger immédiatement dans « La possibilité d’une ile » ou dans « Particules élémentaires ». Autrement dit, plus Houellebecq veut s’éloigner de la case trop étroite de « romancier », plus son oeuvre semble l’y ramener. Le mythe de l’artiste total est sans doute un leurre. Michel Houellebecq-écrivain a placé la barre trop haut.
écrit par C lui
Rester vivant Palais de Tokyo
13 Avenue du Président Wilson, 75116 Paris