Dispersion, au théâtre de l’Oeuvre (Ashes to ashes)
pièce de Harold Pinter, mise en scène de Gérard Desarthe, avec Carole Bouquet et Gérard Desarthe.
Alors que le prix Nobel de littérature vient d’être attribué à Patrick Modiano pour son travail sur le thème de la mémoire, c’est au théâtre que l’on peut retrouver actuellement les obsessions mémorielles d’un autre prix Nobel, celui de 2005, le dramaturge anglais Harold Pinter.
Une petite heure de spectacle pendant laquelle on croit d’abord assister à un règlement de compte conjugal, l’interrogatoire d’une femme adultère par un mari trompé qui cherche la vérité dans les méandres de souvenirs que son épouse consent à lui offrir. Puis, peu à peu, c’est dans les brumes tragiques de la Grande Histoire que le dialogue nous entraine. La mémoire de Rebecca n’est qu’un puzzle, des morceaux de vie et de souffrance que l’on disperse, comme des cendres. Elle devient le porte-voix des victimes décrivant leurs bourreaux, le miroir des atrocités du passé. Et l’interrogatoire met à jour avec pudeur et finesse la peur et la hantise de la violence.
Dans ce huis-clos aux dialogues ciselés, Carole Bouquet est tout simplement parfaite. Juste, émouvante, suffisamment discrète pour ne pas faire ombrage au texte, et d’une force assez convaincante pour le sublimer. Le reste n’est là que pour faire un écrin, la mise en scène se fait oublier, et Gérard Desarthe est comme un outil nécessaire à l’éclosion de la vérité.
C’est une pièce aussi profonde qu’elle est courte. Un petit diamant de théâtre que l’on continue à polir dans sa mémoire bien après avoir quitté la salle.
Le Théâtre de l’Oeuvre
55 rue de Clichy
75009 Paris
01 44 53 88 88