The parisienne

Il est rare, et tellement jouissif  de découvrir une actrice de grand talent. C’est ce qui s’est passé quand j’ai eu le plaisir d’assister à la première de Clara Haskil au théâtre du Rond-Point, avec Laetitia Casta.

Clara Haskil – Théâtre du Rond-Point

Sur un coin de la scène, dans l’obscurité totale, un carré de lumière. Au sol, un corps démembré git. Une voix s’élève, qui nous conte comment elle en en est arrivée là. Et l’on découvre l’histoire d’une enfant prodige, son parcours, ses difficultés et ses plus belles réussites. Depuis l’enfance jusqu’à la fin de sa vie, on suit son quotidien,  avec ses soeurs aimées, les joies et les drames de sa vie d’enfant. On apprend ses difficultés, ses rencontres déterminantes. Celle avec un professeur bienveillant qui l’accompagne et l’encourage, et celle avec l’enseignant qui ne l’aime pas et causera des dégâts irréparables pour cette virtuose qui manque de confiance en elle. Cette femme, qui ne parvient pas à prendre la mesure de son talent exceptionnel. Clara Haskil fut une prodige tout au long de sa carrière, sans jamais le savoir vraiment.

Laetita Casta est Clara Haskil

Laetitia Casta, fut cette mannequin, un peu trop petite, un peu trop souriante, et qui a su conquérir les catwalks du monde entier avec ce charme  unique. Aujourd’hui elle livre une performance d’actrice hors norme. Grace à son interprétation , sans artifice de décor ni de tenues. On voit tout à tout défiler sur scène la petite fille qu’elle était, sa famille aimante, son oncle, que la jalousie rend mauvais à l’égard de sa nièce si talentueuse. On ressent la tristesse d’une mère qui voit sa petite fille la quitter pour réaliser sa destinée. On entend la terre jetée sur un cercueil dans une tombe ouverte. A elle seule, elle parvient à peupler l’espace,  à nous faire voyager dans le temps et l’espace. Elle est accompagnée par une pianiste de grand talent qui donne à la musique la place unique qu’elle occupe dans le récit de cette vie.

Clara Haskil Théâtre du Rond Point du 5 au 23 janvier
2Bis Av. Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris

L’Hôtel de la Marine ne cesse de nous réserver de magnifiques surprises. Depuis aujourd’hui, jeudi 18 novembre, vous pouvez admirer une sélection de pièces d’exception de la Collection Al Thani. Découverte.

Collection Al Thani à l’hôtel de la Marine – le contexte

Au terme d’un accord établi durant les travaux de restauration et de restructuration de l’Hôtel de la Marine, le Centre des Monuments Nationaux et la Al Thani Collection Fondation ont décidé de créer les galeries d’exposition de la Collection. Ainsi, pendant les 20 années à venir, l’Hôtel de la Marine accueillera une sélection d’oeuvres de cette collection privée qui en compte plusieurs milliers. Par ailleurs, une programmation d’exposition temporaires est prévue dans la salle prévue à cet effet.

Pour Amin Jaffer, le conservateur en chef de la Collection, il s’agit de renouer avec l’histoire de ce lieu. Ancien garde-meuble de la couronne, il était ouvert au public pour permettre de découvrir les collections royales. En présentant ici des oeuvres de la collection privée de son altesse Cheikh Hamad bin Abdullah Al Thani, l’Hôtel de la Marine et la Al Thani Collection Fondation renouent d’une certaine manière avec cette histoire du XVIIIème.

Collection Al Thani – l’exposition

L’espace d’exposition Al Thani est constitué de 4 galeries consécutives. Dès la première on est plongé dans un univers merveilleux et lumineux grâce à l’installation orchestrée par le cabinet d’architecte ATTA. Sous une pluie d’étoiles, 7 pièces d’exception sont exposées. Pas de lien chronologique ni géographique, simplement des chefs-d’oeuvre illustrant les talents des artistes à travers les époques et les continents.

On est subjugué par la modernité de la contemplatrice d’étoiles dite de Schuster, elle qui remonte à près de 3000 ans av J.-C.

Le pendentif Maya en forme de masque datant de 200-600 apr. J.-C est un des seuls à être parvenu jusqu’à nous.

Dans la galerie suivante, c’est un étonnant voyage des visages à travers les âges qui nous accueille.

La galerie suivante est dédiée aux expositions temporaires. Elle accueille aujourd’hui les chefs-d’oeuvre de l’Islam, manuscrits, étoffes, ferronnerie et joaillerie provenant de l’ensemble du monde musulman.

Puis vient la salle consacrée aux trésors anciens, mettant en valeur matériaux précieux d’oeuvres d’art antiques.

Cet espace d’exposition vient compléter un lieu aux facettes déjà si multiples. L’Hôtel de la Marine devient indéniablement un incontournable de notre capitale.

Hôtel de la Marine 2 Pl. de la Concorde, 75008 Paris

Tania de Montaigne est journaliste, auteure, chroniqueuse, et même chanteuse. Elle est montée sur scène au théâtre du Rond-Point pour interpréter l’adaptation de son livre « l’assignation – les noirs n’existent pas« , puis « Noire »

Tania de Montaigne – l’assignation

C’est alors que la voix de celui qu’elle appelle pudiquement « l’humoriste » raisonne dans la salle. Personne ne rit. Le sketch s’épuise en caricatures racistes. Le malaise s’installe. « Non ce ne sont pas mes lunettes, ce sont mes narines ». Le rire est gras, il dégouline. Comment a-t-on pu s’amuser de ça ? C’était dans les années 80. À cette époque, Tania de Montaigne est une jeune collégienne, elle habite ce qu’on appelle une « cité », à Draveil dans l’Essonne. C’est à ce moment de sa vie qu’elle découvre qu’elle est une Noire. Non, elle ne vient pas de s’acheter un miroir … Elle connaît son corps, sa peau et ses cheveux crépus qu’elle déteste alors par dessus tout. Ce qu’elle découvre alors, c’est que pour les autres, elle fait partie d’un tout, d’un ensemble indistinct, d’un groupe à qui l’on associe toute sorte de caractères, les Noirs, non plus un adjectif avec une minuscule, mais une assignation, avec une lettre majuscule.

C’est cette histoire que raconte Tania de Montaigne au théâtre du Rond-Point. Et c’est d’abord un moment de théâtre subtile et drôle. Outre le fameux « humoriste » qui n’a toujours pas compris paraît-il pourquoi ses sketches étaient racistes, on replonge dans les publicités des trente glorieuses qui n’ont rien à envier aux « bons sauvages » de l’exposition coloniale, mais aussi dans quelques extraits télévisés plus récents et tout aussi « croustillants » comme cette interview incroyable du footballeur Willy Sagnol au sujet des joueurs africains. Oui, nous vivons dans une société qui assigne, c’est-à-dire qui réduit. Tania de Montaigne a gardé le sourire, elle s’y fraie avec optimisme et résume sa philosophie d’une phrase simple : « je considère que je ne connais pas quelqu’un tant que je ne lui ai pas parlé ». Au bout d’une heure et demi et de plein de surprises que je vous laisse découvrir, on repart avec le cœur léger. On ne dira plus jamais que l’on aime la musique Noire parce qu’on sait bien que la musique Blanche n’existe pas. On a compris. L’assignation n’est pas forcément « à résidence ». Elle peut nous poursuivre partout où l’on va. On se quitte en jurant de rejeter les définitions en majuscule.

Pour voir Tania de Montaigne sur scène, « Noire » se joue dès demain, 19 octobre et jusqu’au 23 octobre. Là, elle se transporte dans le sud ségregationniste des années 1950 pour évoquer le destin de Claudette Colvin, symbole de la lutte pour les droits civils aux Etats-Unis.

Noire du 19 au 23 octobre 2021
Théâtre du Rond-Point 2bis av Franklin D. Roosevelt 75008 Paris

rédacteur C lui